L’école,
le parcours du combattant Fred
se sentit en pleine forme ce matin. Elle ne dormait plus mais son esprit
vagabondait dans sa tête. Elle se revoyait en train de peindre son étagère
dans sa chambre et cela la rendait heureuse. Elle avait franchi une étape
importante dans sa vie. Elle avait décidé de rester dans la chambre
avec Luna. Elle ne se voyait pas non plus dormir toute seule. Elle se
senti beaucoup plus forte qu’avant car elle n’avait plus peur du
regard des mistraliens vis-à-vis de son handicap. Fred se foutait complètement
de leurs préjugés sur sa différence. Elle voulait vivre et être
libre c’est tout. Elle resta couchée sur son matelas et regarda Luna
en train de dormir. Au bout
d’un moment, Fred ne tenait plus couchée alors elle décida de se
lever. Elle apporta le petit déjeuner à Luna qui dormait encore.
Doucement, elle la réveilla car à son gout, elle dormait un peu trop
mais Luna était dans un sommeil tellement profond qu’elle
n’entendit pas les mots de Fred. Elle ramena le petit déjeuner au
Bar. « Je n’ai pas de chance, Luna dort encore, j’aurais bien
voulu partager le petit déjeuner avec elle » se dit-elle au fond
d’elle-même mais cela n’était pas très grave. La matinée passa
tranquillement. Fred aida Thomas à servir les clients au bar. Thomas ne
s’en sortait pas tout seul car Roland, Barbara et Mélanie avaient
pris un jour de congé. Mirta surpris Fred en train de travailler. -
Tu es déjà
debout ! Tu es toujours en train de travailler ma parole ! -
Il faut
bien que j’aide ce pauvre Thomas, il est débordé ! -
Tu n’as
pas des nouvelles de Luna ? -
Elle dort ! -
Jusqu’à
midi, c’est bien la première fois que ça lui arrive ! -
Tu veux déjeuner
? -
Oui, je
veux bien. -
Il n’y a
pas de plat du jour, ce n’est pas grave. Il y a des sandwichs ou des
salades composées que j’ai faites en vitesse ce matin. -
Je veux
bien gouter une salade composée. -
C’est très
bon. C’est rafraîchissant ! -
Merci. -
En tous
cas, je te trouve bien courageuse ces temps-ci. -
Oui cela
m’a donné de la bonne humeur de repeindre ma chambre. -
C’est
vrai, je te trouve plus épanouie c’est temps-ci. -
Excusez-moi
Mirta mais je ne peux plus faire la conversation avec vous parce qu’il
y a des clients qui arrivent en masse. Fred servait les boissons,
les salades et les sandwichs au bar comme Thomas mais elle ne
s’occupait pas d’encaisser l’argent. Elle le laissait faire à
Thomas car elle avait trop peur de se tromper avec l’argent.
Fred se défonçait un maximum au bar et semblait très énergique.
Elle avait retrouvé la joie de vivre. A midi, c’était un peu comme
le coup de feu malgré qu’il n’y avait pas de menu du jour. Les
mistraliens s’étaient donné le mot. On avait l’impression qu’ils
venaient au bar pour regarder Fred travailler au Mistral tenu par
Roland. Dans l’après-midi ce fut un peu plus calme. Luna
arrive au Bar étonnée de voir Fred au comptoir avec un sourire
radieux.
-
On m’a
dit que tu as aidé Thomas au Bar. -
Heureusement
que Fred m’a aidé sinon je pense que j’aurais fermé le Mistral. -
Qu’est-ce
qui t’arrive tout à coup ? -
Tu sais ça
m’a donné de la pêche de repeindre ma chambre. J’ai l’impression
de voler comme un oiseau. -
Viens que
je t’embrasse. -
Viens avec
moi sur le dos de cet oiseau et on contemplera les toits des maisons.
Assis sur cette mouette, c’est tous les jours le printemps. -
C’est
super ! Tu as su surmonter tes angoisses. -
C’est
parce que tu m’as fait confiance Luna. Roland, Mélanie et
Barbara arrivent sur la place du Mistral et sont surpris tous les trois
de voir le Bistrot ouvert. Ils auraient parié que Thomas ne travaillait
pas aujourd’hui. Ils rentrent au Bar et questionnent tous les trois
Thomas mais il ne dévoile pas son secret. Il pense que ce n’est pas
la peine de dire que Fred l’a aidé parce que de toute manière
Roland, Mélanie et Barbara ne le croiraient pas. Il a l’air de dire
qu’il sait débrouillé tout seul.
Il regarde Fred un instant. -
J’ai
compris dit Roland en fait tu as embauché Fred. -
Elle a dû
faire le bazard dans les comptes. -
Rassurez-vous,
c’est moi qui me suis occupé de la caisse. -
Elle a
fait quoi exactement ? -
Ce matin,
elle à fait des sandwichs et des salades composées et à midi, on a
tout vendu. -
J’espère
qu’elle n’a pas fait trop de dégâts dans ma cuisine. -
Tu peux
aller l’inspecter ! Roland
va voir dans la cuisine. -
C’est
nickel ! -
Tous les
deux, on a fait le super ménage ! -
Je suis
quand même embêté, je vais devoir un petit salaire à Fred. -
Non !
Ce n’est pas la peine ! Je n’ai pas fait ça pour gagner de
l’argent. Je l’ai fait juste pour mon plaisir. -
Elle a
fait pour mieux se faire intégrer par les Mistraliens et pour leur
prouver que malgré une différence, on est capable de faire des choses
comme les autres dit Luna. -
Tu veux
travailler avec nous ? -
Je ne veux
pas déranger. -
Je suis
content que tu as pu aider Thomas à midi mais je ne préfère pas que
tu travailles avec nous, c’est très difficile ce métier. -
Je ne veux
pas faire ce métier, Roland. J’ai autre chose à faire en ce moment. -
Je te
donne 50 Euros, j’y tiens beaucoup parce tu m’es très sympathique. -
Merci
Roland. -
Dans la
semaine, je voudrais me balader avec toi, ce sera mon cadeau. -
D’accord,
ça marche Mélanie. -
Et toi
Barbara, tu ne fais pas de cadeau à Fred. -
Si bien sûr
dit-elle un peu gênée. Je vais réfléchir. Luna
et Fred sortent du bar. Elles vont rejoindre
Sacha, Jonas et Nathan. Dimanche,
Fred s’habille bien parce qu’elle est invitée chez Blanche. Elle
veut lui faire une bonne impression. Elle se pose des questions dans sa
tête « pourquoi Blanche veut-elle me parler ? A-t-elle une
mauvaise nouvelle à m’annoncer ? » Fred s’inquiète un
peu. Elle trouve son invitation un peu étrange. Elle parle de Blanche
avec Luna mais elle la rassure quelque part.
Luna
trouve que c’est bien que Fred se mélange un peu plus avec les
mistraliens. Elle ne s’inquiète pas pour Fred car pour l’instant
tout va pour le mieux. Luna est contente. C’est vrai se dit elle au
fond de son cœur, on ressemble trop a un vieux couple avec Fred.
C’est ridicule. Je vais essayer de me rattraper et passer un peu plus
de temps avec Sacha. Dans le fond, Blanche a raison. Je vais laisser
Fred un peu libre. Dans le fond, peut-être que je l’étouffe avec ma
tendresse quelque part. Fredou sera ravie que je vive ma vie avec mes
amis, ma famille. Quand on tient trop a quelqu’un, on est peut-être déçu
après quand on connait mieux la personne. On ne sait jamais sur quel
chemin où on marche. Fred
ne me déçoit pas au contraire grâce à sa différence, elle m’a
apprit à tolérer les gens de plus en plus. Blanche a raison, l’amitié
que j’éprouve pour Fred ne s’effacera jamais. Je vais la laisser
partir rejoindre ses parents. Elle reviendra au Mistral. Maintenant,
j’en suis persuadée. On va vivre notre vie séparément et ça sera
mieux comme ça. Il faut commencer toute de suite sinon après ça sera
plus dur notre séparation. Luna
s’en va deux, trois jours dans les iles
PORQUERROLLES avec Sacha. Ensuite, j’irai voir mon fils, ma mère
et mes copines. Jonas
et Nathan s’entendent à merveille. Au lycée, Jonas s’est fait une
petite amie, Léa avec qui il partage un vrai bonheur. Fred
arrive chez Blanche avec un gros bouquet de fleur. -
Tiens,
c’est un cadeau pour toi. -
Il ne
fallait pas te donner tant de mal. -
Si…
c’est important pour moi. Tu t’es bien donné du mal pour
m’inviter à manger avec toi. -
Non !
mais tu veux rire ! C’est
rien ! Blanche
s’occupe de ses fleurs et les met dans l’eau. -
Elles sont
magnifiques. Fred
s’assied sur le canapé et Blanche aussi. -
C’est
bien d’être venue tôt, on va pouvoir discuter ensemble. -
Luna m’a
expliqué qu’il te fallait mon parcours scolaire pour me défendre
devant l’inspecteur mais le problème c’est que je n’en ai pas. -
Si je
t’ai invitée, c’est pour te connaître mieux Fred. D’abord, avant
d’aborder le sujet, je voulais te dire quelque chose de très
important. -
Tu
m’inquiètes là ! -
Je
voudrais que tu me parles de toi. -
De moi ? -
Oui, enfin
de compte, je ne te connais pas très bien. -
Tu veux
que je te parle de quoi ? -
Tu
pourrais me parler de tes passions, de tes rêves ou bien la vie quand
tes parents étaient à côté de toi. Tu as des frères et des sœurs ? -
J’ai un
frère, il s’appelle Luis mais maintenant, je ne le vois plus. -
Pourquoi ? -
Il s’est
réfugié en Espagne où il s’est marié. Il a eu 2 enfants avec sa
nouvelle petite amie. -
Dans
quelle ville est-ce qu’il l’habite ? -
Je ne sais
pas. Ca fait très longtemps que je n’ai pas eu de ses nouvelles. -
Tu penses
qu’il en a rien à faire de toi. -
Non !
cela est impossible, on s’entendait très bien quand on était jeune. -
Qu’est-ce
qui s’est passé exactement ? Tes parents n’ont pas essayé de
le recontacter ? -
Je ne sais
pas. C’est quoi cette interrogatoire ! -
Je ne sais
pas. On ne disparaît pas comme ça du jour au lendemain. -
Au début,
on s’écrivait pendant très longtemps puis après on a arrêté à
s’envoyer du courrier. -
Cela
t’embête que je parle de ton frère ? -
Oui. Je ne
vais pas me sentir bien si je parle de lui. -
Je voulais
juste comprendre pourquoi tu ne le voyais plus. -
Sa copine
m’a écrit une lettre en m’annonçant sa mort. Il est décédé dans
un accident de moto. -
Excuse-moi…
Je ne savais pas. -
Tu
comprends, ça me remue tout ça. -
D’accord,
on ne va plus en parler. -
Qu’est-ce
que tu veux savoir d’autre sur moi ? -
Tout. -
Ecoute
Blanche, je veux bien te parler de ma vie mais je voudrais savoir
d’abord si je vais rester à l’école auprès de Mathis. -
Tu es si
pressée de savoir ce que l’inspecteur à décidé pour toi ? -
Oui, ça
ira mieux après. -
Ce n’est
pas facile à dire mais l’inspecteur à décidé qu’il ne
renouvellerait pas le contrat que tu avais depuis un an. -
J’en étais
sûre. En fait, c’est fini, je ne pourrai plus retravailler nulle
part. Personne ne m’acceptera ! Quand on a une différence, on
est bon pour la casse. -
Pourquoi
dis-tu ça ? -
C’est
pourtant la vérité. -
Tu vas
rejoindre tes parents en Amérique, c’est plutôt bien. -
Oui,
c’est vrai. Je vais rester juste pendant un mois avec eux après je
compte bien revenir à Marseille. -
Tout
n’est pas foutu pour autant. Quand tu reviendras, on te réintégra à
l’école. -
Non !
C’est vrai ? -
Tu as fait
un excellent travail avec Mathis. Il a rattrapé son retard. L’année
prochaine, il va passer en CM2 et ça c’est grâce à ton aide.
L’inspecteur a tenu compte de ses progrès. Je me suis un peu mêlée
de ce qui ne me regarde pas. Je lui ai parlé de tes difficultés en ce
moment et il m’a écouté. C’est pour ça qu’il a mis fin à ton
contrat. Il est prêt à le renouveler quand tu reviendras des
Etats-Unis. -
C’est
grandiose ce que tu as fait Blanche ! J’ai du mal à y croire !
Et la directrice, elle a dit quoi ? -
Elle est
prête à faire un effort aussi. Elle a admis qu’elle ne te
connaissait pas beaucoup. Elle te donne une deuxième chance. Je voulais
aussi te dire que cela n’a pas été facile de la convaincre ainsi que
l’inspecteur. -
Comment tu
t’y es prise pour qu’on m’accepte de nouveau à l’école ? -
J’ai
fait circuler une pétition auprès des instituteurs et ils ont tous
signé pour ta réintégration. C’est important de nos jours d’avoir
la chance de travailler avec quelqu’un comme toi. -
Il
faudrait que d’autres trisomiques aillent à l’école comme moi. -
L’année
prochaine, il y aura deux ou trois enfants trisomiques en plus de
Mathis. -
Ah bon !
Et toi, tu vas continuer à enseigner en CM2 ? -
Monsieur
DURANT va partir à la retraite et c’est moi qui vais prendre le
relais. -
En fait,
tout va bien dans le meilleur des mondes alors ? -
Oui. -
Je ne sais
pas comment te remercier Blanche. -
Tu l’as
déjà fait en m’offrant ces fleurs. -
C’est
rien, tu rêves ! -
Il n’y a
pas de dessert. -
Si tu le
souhaites, je peux t’en faire un. -
Oui, je
veux bien. -
Il me
faudrait du chocolat, des œufs ? -
C’est
tout. -
Je vais te
faire une bonne mousse au chocolat. Fred
fait le dessert. Blanche regarde Fred en train de faire à manger. Elle
est fière. Ensuite, elles passent à table. A la fin du repas, Blanche
sort une bouteille de champagne et elles trinquent pour la nouvelle vie
de Fred à l’école. Dans
l’après-midi, Fred lui parle un peu plus de sa vie. Blanche est ravie
de connaître un peu plus Fred. Ensuite, elles jouent ensemble au
scrabble et aussi à d’autres jeux de société. Elles passent une
bonne journée ensemble. Le soir, Fred rentre au select. Fred est très
émue et très enthousiaste. Elle n’en revient pas que Blanche la défende
comme ça. En tout cas, Blanche n’a jamais eu de problème avec la
différence de Fred bien au contraire. Couchée
sur son matelas, Fred repense à tout ça. C’est quelque chose de
brillant pour elle. Fred avait des problèmes concernant l’école car
cela lui rappelait des mauvais souvenirs dans sa jeunesse. Elle
n’osait pas en parler à Blanche pour ne pas la blesser et aussi parce
qu’elle s’était décarcassée pour lui trouver une place en or. Fred
avait envie de parler avec Luna de ses difficultés à l’école. Luna
n’était pas encore rentrée des îles
PORQUEROLLES avec Sacha. Leur voyage avait duré un peu plus
longtemps que prévu. Blanche
téléphona à Fred pour l’inviter de nouveau chez elle. Blanche avait
encore des choses à lui dire très importantes. Presque toute la nuit,
elle pensa à des choses qu’elle avait oubliées de dire à Fred. Une
association de parents d’enfants trisomiques avait pris contact avec
elle. Blanche les avait reçus pour parler avec eux. Elle leur avait
parlé du cas de Fred et c’est pour cela qu’il lui fallait son
parcours scolaire. Pour oublier ses problèmes familiaux, Blanche s’était
investie totalement dans une association dont elle était la marraine.
Elle aidait les parents qui se posaient des questions sur la trisomie de
leurs enfants. Elle organisait des réunions, des colloques. Dans une réunion,
elle voulait leurs parler du parcours scolaire de Fred car il était un
peu exemplaire. François
et Johanna devaient un peu plus se débrouiller par eux-mêmes. Blanche
ne voulait absolument plus les entretenir. Johanna était folle de rage
mais François était plus coopérant.
A la maison, il y avait une drôle d’ambiance. Un jour, la mère
de Blanche avait téléphoné pour leur dire qu’elle arrivait au
Mistral et qu’il fallait la chercher à l’aéroport Saint-Exupéry
dans l’Isère. Elle voulait prendre un avion en direction de Marseille
mais malheureusement, elle n’avait pas pris la bonne direction. François
et Johanna sont partis la chercher.
En ce moment, Blanche a beaucoup de temps et c’est pour cela
qu’elle se consacre à Fred. Quand
Fred arriva chez-elle, Blanche lui parla de l’association. Fred en était
très étonnée de sa part. Blanche demanda à Fred si elle se souvenait
de son enfance quand elle était à l’école. Fred
s’allongea sur le canapé et ferma les yeux. Elle essayait de se
souvenir de son passé. Elle se revoyait sur les bancs de l’école
quand elle était une enfant. Il y avait des images qui passaient au
ralenti comme dans un film mais cela lui semblait un peu vague. Blanche
trouva cette manière de se concentrer un peu étrange à son gout alors
elle réveilla Fred qui à son avis était en train de dormir. -
Fred, tu
dors ! Réveille-toi ! -
Je ne dors
pas. Je me concentre c’est tout. -
Tu as une
drôle de manière de te concentrer. -
-
Allo !
Allo ! La terre ! -
-
Tu es où
en ce moment au paradis ! -
Je me détends
c’est tout. Je sais que ça te paraît absurde mais j’ai besoin de
temps. -
C’est
n’importe quoi, cette façon de te concentrer ! -
Je ne me
souviens pas de mon parcours scolaire. -
Fais un
effort ! C’est
important pour moi ! -
C’est
facile de me critiquer. J’essaye de trouver des combines pour que ma mémoire
me revienne, et toi tu m’empêches de les exploiter. Fred
referme les yeux mais cela fait rire Blanche. -
Blanche
arrête de te moquer de moi, je me concentre. -
Oui…
Bien sûr ! Les
yeux de Fred se refermèrent de nouveau. Blanche désespérait, faisait
les cents pas dans son appartement. Elle rangea quelques dossiers que
François avait laissés sur la table du salon. Blanche était super
maniaque. Il n’y avait pas un brin de poussière chez-elle. C’était
nickel mais ce n’était pas non plus la grande bourgeoisie. François
et Blanche étaient plutôt simples et ouverts aux autres. Tout
à coup dans ce silence pesant, Fred poussa un cri « ça y’est,
je me souviens de mon enfance ! » « Ouf !!
» se dit Blanche doucement en elle-même. -
Je t’écoute
mais dis-moi les choses doucement car je dois les retranscrire sur mon
cahier. -
J’étais
avec des enfants un peu comme moi dans une classe de perfectionnement. -
C’est
quoi une classe de perfectionnement ? -
-
Je ne peux
pas te poser des questions. -
Si…
Si… C'est-à-dire ne me coupe pas toujours la parole. -
Si je ne
comprends pas ce que tu me racontes, il faut bien que tu m’expliques
ton parcours. -
D’accord !
Reprenons ! -
Je t’écoute ! -
Une classe
de perfectionnement, c’est comme si tu étais en CP et en CE1 mais on
étudie les matières d’une façon un peu plus lente que les autres
enfants qui n’ont pas eu de difficultés. Ensuite, je suis passé e en
CE2 normalement car ma maman est allée voir l’inspecteur pour que
j’intègre cette classe car je savais lire et écrire. La psychologue
scolaire n’admettait pas que les trisomiques 21 sachent lire et écrire
car elle avait de gros préjugés sur cette différence. Ensuite, je
suis allée CM1 puis CM2. -
A quel âge
as-tu dis tes premiers mots ? -
J’ai
parlé à 3 ans. J’ai été chez une orthophoniste de 3 ans à 12 ans.
Ma maman m’a dit que les très bons orthophonistes savent apprendre à
parler aux enfants muets. C’est une question d’apprendre à placer
sa langue et donner à sa bouche la bonne forme. Le Samedi matin, je
n’allais pas à l’école car je faisais du soutien par ailleurs. Je
faisais de la psychomotricité et du soutien en lecture. -
C’est
quoi la psychomotricité ? -
Je ne sais
pas. Regarde dans le dictionnaire. Blanche
va chercher son dictionnaire. Définition du
dictionnaire – Ensemble des fonctions motrices considérées sous
l’angle de leurs relations avec l’activité cérébral en partie
avec le psychisme. -
Continue,
ça me passionne beaucoup ta petite enfance. -
Le pédiatre
m’a donné des médicaments pour aider le développement du cerveau
jusqu’à l’âge de 16 ans. -
Tu avais
des amis ? -
J’avais
un petit amoureux. Il s’appelait Julien mais il ne voulait pas jouer
avec moi. Il préférait aller avec ses copains. Je me suis battue pour
essayer qu’ils m’acceptent dans leur équipe. -
Tu es
arrivée par te faire accepter ? -
Oui, un
peu seulement. Quand j’étais enfant, j’allais devant les autres
mais la plus part du temps, ils me rejetaient souvent et je ne
comprenais pas pourquoi. -
Tu étais
seule ? -
Non… pas
particulièrement. J’avais Julien. De temps en temps, on s’invitait
dans nos maisons réceptives. -
Tu es restée
longtemps avec lui ? -
Je ne me
rappelle plus. Blanche, on divague là. On est plus sur mon parcours
scolaire. -
Vas-y !
je t’écoute ! -
A la fin
de mon CM2, j’ai passé un test pour essayer d’aller en classe de 6ème
parce que la psychologue scolaire prétendait que les trisomiques
21 étaient nuls en math et aussi qu’ils ne pouvaient pas suivre en
classe de 6ème. Mon instituteur disait que j’étais une
bonne élève et que j’étais très capable de suivre les cours. -
Et tu as réussi
le test ? -
Oui… En
math, j’avais 18 sur 20 ? -
Tu t’en
souviens ? -
Pas
vraiment mais en math, j’avais réussi le test. Je suis donc passée
en classe de 6ème. -
Si tu
avais quelque chose à dire à la psychologue scolaire, tu aurais envie
de lui dire quoi ? -
Que ce
n’est pas normal que quelqu’un comme elle me barre la route
uniquement parce que je suis trisomique. De nos jours, on appelle ça de
la discrimination et je pourrais porter plainte contre elle, les hitlériens,
on en veut plus maintenant !
Ils ne sont plus de nos mondes ! -
Tes
parents se sont beaucoup battus pour toi. -
Oui mais
c’est surtout ma maman qui s’est occupée de moi quand j’étais à
l’école et je lui dois toute ma reconnaissance. Peut-être que mon père
pour lui c’était un peu trop dur d’accepter que j’avais du mal à
apprendre. Il préférait s’occuper de moi pour les activités
sportives. Tous
d’eux m’ont donné la volonté de m’en sortir. -
Ensuite. -
On ne
pourrait pas en parler un peu plus tard, je commence à fatiguer. -
Si tu
veux, tu pourrais dormir chez-moi et on continuera à parler de ton
parcours scolaire demain matin. Johanna et François ne
sont pas là. Ils sont allés chercher ma mère (Wanda) à l’aéroport
Saint-Exupéry dans la région de l’Isère. -
Quelel drôle
d’idée ! -
Elle
s’est trompée d’avion. -
Ensuite,
ils vont dormir à l’hôtel et ils reviendront dans deux, trois jours. -
Bon !
d’accord ! je reste avec plaisir. Blanche
était contente que Fred reste car elle avait encore de milliers de
questions à lui poser. Elle était passionnée que Fred lui livre son
parcours scolaire. C’est comme si
Fred lui donnait un petit cadeau en lui parlant d’elle-même.
Cela était précieux pour Blanche. Fred
s’était toujours confiée à Luna mais jamais à quelqu’un
d’autre et cela lui faisait un peu bizarre. Elle avait l’impression
de trahir Luna. Elle en parla à Blanche de ce sentiment. Blanche la
rassura en lui disant « Ne t’inquiète pas. Je recopierai
ton parcours à l’ordinateur. Si tu le souhaites, tu pourras lui
donner ». A ces mots, Fred se sentit un peu mieux. Le
lendemain, après avoir pris le petit déjeuner chez Blanche et une
bonne douche, Fred reparla de son parcours scolaire à Blanche. Je
ne pouvais pas étudier dans un collège classique car les professeurs
ne s’intéressent qu’aux bons élèves. J’aurais été larguée
vite fait. J’aurai été au fond de la classe. Mes parents ont déménagé
pour que j’aille dans un collège expérimental. Les professeurs étaient
plus compréhensifs avec des gens à problèmes comme moi. Mes amis,
c’étaient plutôt des enfants souvent d’origine étrangère. -
Ca veut
dire quoi expérimental ? -
On étudiait
d’une façon beaucoup plus adaptée. On faisait des fiches et quand on
ne comprenait pas très bien les matières, on pouvait demander l’aide
des professeurs. -
Tu n’étais
pas trop timide, tu osais demander de l’aide ? -
Oh si !
C’était affreux, je n’osais pas leur parler. J’étais souvent
dans mon monde imaginaire. -
Comment
as-tu fais pour apprendre à communiquer ? -
J’improvisais
comme au théâtre ! -
C’est
vrai ou tu me fais marcher ! -
C’est à
moitié vrai et à moitié faux ! -
Tu peux
m’expliquer parce que je ne comprends pas. J’avoue, je patauge ! -
Les
professeurs venaient de temps en temps vers nous. Ils s’apercevaient
aussi si on avait compris ou pas. Si tu n’avais pas compris les cours,
ils te réexpliquaient. -
J’ai
fait ma 6ème et jusqu’en 3ème
au collège expérimental de la Villeneuve à Grenoble. -
Tu as
habité à Grenoble ? comme c’est bizarre. Johanna a fait du
patinage artistique là bas aussi. Tu aurais pu la croiser ? -
Blanche,
tu es dans la lune ! Je ne la connaissais pas ta fille avant. -
Oui
c’est vrai… c’est idiot de ma part. -
En
suite, il a fallu que je choisisse ma voie, apprendre un métier. J’étais
assez immature, je ne savais pas exactement ce que je voulais faire de
moi plus tard. Par contre, j’avais des idées mais je me rendais bien
compte que je ne pouvais jamais les réaliser. -
Tu aurais
voulu faire quoi comme métier ? -
Comédienne
ou scénaristes. En fait, je voulais à tout pris passé le BAC.
-
Comment ça
t’était venu à l’idée d’écrire des scénarios ? -
Tiens,
j’ai un petit cadeau Blanche pour toi. Blanche
ouvre le cadeau de Fred. -
Tu as écrit
un livre ! Je le lirai avec plaisir. Blanche
déconcertée par cet événement lit les poèmes de Fred. -
Je ne sais
pas comment te remercier. On dirait que tu parles avec ton cœur. Ils
sont magnifiques tes poèmes. Blanche
met le livre de côté. Elle est émue par son cadeau. Elle ne s’en
remet pas facilement. Au bout d’un certain temps, elles se remettent
à parler ensemble. -
Ca va
mieux ? -
Oui mais
comment as-tu fait pour écrire tous ça ? C’est bouleversant. -
Je ne
voulais pas t’en parler mais quand j’étais dans ce collège, j’ai
eu des problèmes avec une prof de math. -
Que
s’est-il passé ? -
Elle m’a
appri brusquement mon handicap. -
Tes
parents ne te l’ont pas annoncé ? -
Si ma
maman me l’a dit quand j’avais 7 ans mais cela ne m’a pas gêné.
Je ne voulais pas croire que j’étais trisomique. J’ai préféré
oublier ma différence au fond de moi. Cela ne me préoccupait pas
beaucoup. Pour moi, j’étais comme les autres. Je voulais vivre
c’est tout et être libre. -
Et quand
ta prof de math t’a annoncé ton handicap comment as-tu réagi ? -
Elle m’a
dit que je ne pouvais pas réussir dans la vie parce que je suis
trisomique. J’étais révoltée contre la société en même temps, je
me repliais sur moi-même. Je voulais lui prouver qu’elle peut se
tromper. Je me battrais toujours contre les préjugés des gens sur ma
différence. -
Ca me fait
mal au cœur ce que tu viens de m’annoncer ? Tu as dû souffrir
beaucoup. -
J’avais
comme une barre dans ma tête. J’ai commencé à écrire mes premiers
mots de douleur. A l’époque, je voulais être poète comme Jacques Prévert. -
C’est génial,
tu as réussi ton rêve en écrivant ce recueil. -
Comme j’étais
très timide, j’ai fait du théâtre dans une troupe amateur et
maintenant, je suis totalement guérie. -
Cela n’a
pas dû être facile d’accepter ta différence. J’imagine que tu lui
en veux à ta prof de math. -
Oui
beaucoup. J’étais complètement désorientée. J’étais quelqu’un
d’autre. Parfois quand j’étudie avec Mathis à l’école, je
repense à tout ça. -
Je
comprends. -
Il est
comme moi. -
Tu vas
continuer de travailler avec moi à l’école malgré ton passé un peu
difficile ? -
Il y a
Mathis. Je n’ai pas le droit de l’abandonner. Ca ne serait pas digne
de ma part. -
Revenons
à ton parcours scolaire. Ensuite qu’est-tu
as fait comme métier finalement ? -
On m’a
orientée dans un Lycée d’enseignement professionnel pour essayer de
passer un BEP d’agent administratif pendant un an. Le rythme était
trop rapide pour moi. J’ai dû abandonner. On m’a alors orientée
vers un CAP d’employée de bureau que j’ai suivi pendant 3 ans. -
Tu n’as
pas était trop déçue de ne pas aller jusqu’au BAC ? -
Non !
J’ai 2 diplômes. -
Lesquels ? -
A la fin
de ma troisième, j’ai eu le brevet des collèges et ensuite mon CAP
d’employé de bureau. -
Et
ensuite, tu as pu travailler comme travailleur handicapé ? -
Je devais
aller travailler comme employée de bureau avec mon oncle Oscar à
Marseille car il travaillait dans une grosse boîte. -
Tu n’as
jamais pu travailler avec lui. Je connais ton histoire quelqu’un du
Mistral me l’a racontée. -
J’ai
rencontré Luna. Elle m’a fait vivre un rêve. C’est super ! -
Imagine
seulement, si tes parents étaient restés avec toi. Tu aurais pu aller
travailler dans le milieu ordinaire ? -
J’aurais
renoncé à vivre mes rêves. J’aurais pu aller travailler comme
employée de bureau dans une administration mais ça m’aurait pas trop
emballée comme métier. -
Pourquoi ? -
J’ai
besoin d’air ! -
On se fait
à tout ! -
C’est
vrai… peut-être au bout d’un moment, je me serais habituée à
faire ce métier. -
En tous
cas, tu auras prouvé que les trisomiques peuvent avoir une place dans
la société. Tu es notre espoir Fred. Après
avoir raconté son parcours scolaire à Blanche, Fred sentit une émotion
assez vive à l’intérieur de son corps. Elle se sentait enfin soulagée.
Elle resta une nuit de plus à dormir chez Blanche. Le
lendemain matin, on sonna à la porte. -
Bonjour
Luna. -
Bonjour
Blanche, on m’a dit que Fred était chez-toi. -
Rentre, tu
veux un café ? -
Oui, je
veux bien. -
Fred est
sous la douche. -
J’ai
parlé avec Fred et on a décidé ensemble de te donner ce document. -
C’est
quoi ? -
C’est la
vie de Fred quand elle était à l’école. -
Je
n’aime pas trop lire ! -
Lis le
pour Fred au moins, ça lui fera plaisir. -
D’accord,
je le lirai. -
C’est
son parcours scolaire. Fred
avait passé deux, trois jours avec Blanche et elle en était très
heureuse. Elle reparti se balader avec Luna. Luna emmena Fredou à
l’aventure. Elles passèrent la nuit dans un cabanon pas trop loin de
la mer. Elles regardèrent dans les vagues, un beau coucher de soleil en
silence depuis le balcon du cabanon. Fred sentit que Luna était triste.
Elle la prit par les épaules et lui demanda : -
Ca s’est
bien passé ton voyage aux Iles
Porquerolles avec Sacha ? Comme
elle ne répondait pas, Fred était embêtée. Elle ne savait pas trop
quoi faire pour l’aider. -
Luna
qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi, tu ne me parles pas ? -
Excuse-moi
Fred ! j’étais ailleurs. -
Tu es où
là ? Je suis là moi ! -
Je
voudrais rentrer à l’intérieur. Je commence à avoir froid. -
Luna, ça
s’est mal passé avec Sacha ? -
Au
contraire, ça m’a plu d’être à ses côtés, j’avais besoin de
la présence d’un homme, ça m’a fait du bien ce voyage. -
Tu t’es
bien amusée avec lui ? -
On s’est
bien entendu. On a bien ri ! -
Vous avez
fait la fiesta tous les jours ! -
On a bien
bourlingué ! oui. -
Alors
pourquoi tu es si triste ? -
C’est
rien, ça va passer. -
Tu es
triste parce que tu sais que je vais partir au Etas-Unis ? -
Ca n’a
rien à voir avec ça. -
Je
n’aime pas te voir comme ça. -
Je me suis
disputée avec ma mère parce que tu n’as pas dormi au Select. Elle était
folle de rage. -
J’ai
bien le droit de vivre ma vie. -
C’est ce
que je lui ai dit aussi. -
Elle
voudrait me bâillonner à une chaise et que je ne bouge pas, non, mais
elle rêve ! -
-
Je n’ai
pas de compte à rendre à ta mère. Je ne suis pas sa fille. -
Je suis
d’accord avec toi. -
Je sais
que tu m’as défendue, c’est ça l’amitié. -
Rudy aussi
était de ton côté. C’est lui qui m’a dit que tu squattais
quelques temps chez Blanche. Je voulais te remercier. Depuis que tu es là,
mon rapport avec mon fils a évolué d’une façon positive.
Maintenant, il me fait plus la guerre comme avant. On arrive à se
parler plus calmement. -
Je suis émue
que tu me dises ça. Ca me fait vraiment plaisir d’entendre ce
compliment. -
Demain,
je vais retourner voir Sacha et toi qu’est-ce que tu fais de beau ? -
Je vais me
balader avec Mélanie. Tu vois, je suis indépendante ! Le lendemain, Luna et Fred rentrent au Mistral de bonne heure.
Elles se séparent pour vivre leurs vies chacune de son côté. Fred va chercher Mélanie au Bar et elles se promènent
ensemble.
|